Il est de la responsabilité des élus locaux de bâtir dès aujourd’hui des solidarités, des coopérations nouvelles et de préparer l’après. Quel est le rôle des communes dans l’organisation des solidarités au niveau local notamment avec les associations ? Quelles actions peuvent-elles initier pour impulser un cadre de dialogue inclusif ?
Surexposition au virus, dégradation des conditions de vie, baisse des salaires et des conditions de logement… la crise a exacerbé de nombreuses inégalités, qu’elles soient sociales, sanitaires, générationnelles, économiques ou encore scolaires. Ainsi, des actions de solidarités se sont multipliées partout en France. Associations, entreprises, syndicats, acteurs de la santé, collectivités et citoyens se sont mobilisés afin d’apporter leur aide aux personnels soignants et aux personnes les plus vulnérables. Distributions de masques et de paniers de denrées alimentaires, veille via le Centre Communal d’action sociale (CCAS) pour identifier les besoins des personnes fragiles, livraison de courses à domicile, plateformes solidaires… les élus locaux ont été en première ligne afin de réinventer les solidarités.
Aujourd’hui, les mobilisations associatives et citoyennes qui se sont mises en place dans l’urgence doivent désormais se concrétiser en dispositifs pérennes. C’est en effet autour des élus locaux que se créeront de nouvelles formes de solidarités et de mobilisation !
Dans ce contexte, les autorités locales ont un triple rôle à jouer :
- Diffuser les informations, les consignes et les dispositifs portés par le gouvernement,
- Mettre en relation les acteurs pour renforcer l’impact des actions menées : les collectivités peuvent en effet compter sur les actions caritatives, les solidarités de voisinage ainsi que les mobilisations citoyennes qui se mettent en place spontanément sur le territoire. Elles ont un rôle à jouer pour coordonner toutes les bonnes volontés et rapprocher les initiatives des besoins,
- Mettre en place un cadre de dialogue transversal et inclusif.
Réenclencher un processus de dialogue transversal et inclusif
Les conseils de notre expert !
Thierry Cardinael, Président de CoFluens et formateur chez Tous Politiques !
La crise sanitaire actuelle a montré qu’on ne sort pas d’une situation complexe en adoptant un fonctionnement en silo :<strong> tout problème complexe nécessite une solution complexe. </strong>Cette période nous a montré l’importance de travailler de manière transversale au niveau local comme au niveau national, et ce quels que soient les thématiques abordées, les convictions politiques ou encore les niveaux de compétences de chacun. Il est de la responsabilité des élus locaux de bâtir dès aujourd’hui des coopérations nouvelles et de réenclencher un processus de dialogue inclusif.<br><br>Le dialogue impose un cadre et la mise en place de ce cadre nécessite de respecter des règles : Imposer la diversité des opinions, Décentraliser les sources d’information [en prise directe avec le terrain] et encourager l’originalité plutôt que le conformisme. Un conseil : le dialogue au service de nouvelles solidarités et comme réponse aux besoins de votre territoire, exige de privilégier des temps de réflexion collectifs autour de défis précis (ex. supprimer le sans-abrisme sur le territoire) plus qu’autour d’une thématique (ex. la pauvreté). Plus le défi est clair, meilleure sera la production. Cette approche par défi vous permettra de réunir des acteurs insoupçonnés, intéressés pour relever ce défi (ex. commerçants, entreprises, associations culturelles et sportives) et de ne pas réduire le dialogue à une table autour de laquelle sont invités uniquement les présumés experts.<br>L’objectif ? Créer des synergies pour répondre aux défis du territoire et favoriser la mise en place de véritables politiques publiques solidaires.<br><br>Bref, il ne s’agit pas d’improviser : transversalité, co-construction, dialogue, intelligence collective produisent TOUJOURS des résultats et des solutions à impact ! mais cela exige un temps de préparation et de cadrage minutieux. Pour cela, les collectivités peuvent se faire accompagner et bénéficier du regard extérieur d’un tiers opérateur.
Coordonner les actions solidaires sur le terrain et mettre en relation les acteurs
- Assurer une communication suivie et soutenue via différents canaux (page Facebook, site internet de la Ville, newsletter) pour relayer un maximum d’initiatives.
- Déployer une plateforme locale de bénévolat et d’échanges de services à la population pour recenser, partager et valoriser les initiatives menées sur le terrain.
A noter : si vous désirez déployer une telle plateforme dans votre collectivité, assurez-vous que celle-ci soit intégralement sécurisée et garantisse la protection des données à caractère personnel des utilisateurs conformément à la réglementation en vigueur.
Quelques exemples de plateformes utiles :
- L’application Smiile qui permet de mieux organiser la solidarité de voisinage et qui met à disposition une offre gratuite des collectivités. A l’aide de ce réseau social d’entraide, les collectivités peuvent publier des actualités officielles, des alertes en temps réel ciblées par quartier, utiliser un système de gestion des remontées citoyennes ainsi qu’un agenda local…
- L’application IntraMuros qui permet aux collectivités d’informer, d’alerter et de faire participer leurs administrés à la vie locale.
- Pour aller plus loin : retrouvez des exemples de réseaux d’entraide locaux sur le site covid-entraide.fr, qui recense près de 650 réseaux de ce type.
- Mettre en place une cellule dédiée afin de disposer d’une « porte d’entrée unique » au sein de la collectivité et centraliser les informations. Cette cellule pourra permettre de rapprocher les initiatives et les besoins des habitants, les mettre en contact avec les organismes adéquats (associations, structure sociale, etc) et évaluer la faisabilité des projets, tout en assurant un soutien opérationnel pour leur mise en œuvre. En effet, au-delà des subventions, la collectivité peut apporter beaucoup à ces initiatives : ingénierie, ressources, mise à disposition de lieux, réseau… Un numéro et une adresse mail spécifiques (ou un formulaire dédié) peuvent par exemple être diffusés afin de recenser les initiatives et établir un suivi opérationnel.
A noter : avant toute chose, il est indispensable de dissocier la place du politique et la place des associations dans la mise en œuvre des solidarités sur le territoire. Le rôle du politique est d’accompagner les initiatives, et non de s’y substituer. Les élus ont en effet un rôle indispensable de relais, de facilitateur de l’action et d’appui à la mise en œuvre opérationnelle de projets. N’oubliez pas, outre votre équipe d’agents ou d’élus, vos concitoyens et les associations sont vos meilleurs atouts dans cette période où toutes les bonnes volontés sont de précieux soutiens ! L’entraide est un catalyseur incroyablement puissant : elle ne demande qu’à s’enclencher.
Focus : une méthode simple peut être déployée pour structurer les actions volontaires sur le territoire :
Votre collectivité abrite des compétences qui peuvent être mobilisées au service du territoire.
Etape 1 : identifier et catégoriser les grands enjeux de sa commune (ex. augmenter la production et la distribution du nombre de masques, renforcer le soutien scolaire sur la commune…)
Etape 2 : recueillir les propositions bénévoles et volontaires sur le territoire
Bonne pratique : travailler avec les commerces de proximité pour collecter les profils des personnes volontaires. Ces derniers peuvent afficher sur leur devanture une liste des 5 grands enjeux de la commune, en proposant aux personnes volontaires de laisser leurs coordonnées si elles disposent de compétences en la matière. Ce sont des endroits de lien social et de communication.
Etape 3 : structurer et classer ces demandes volontaires
Ces demandes peuvent être structurées dans une matrice autour de deux axes : compétences de la personne / intérêts pour la mission. La compétence est évaluée de 0 à 3 (0 : je ne suis pas compétent sur ce sujet ; 3 : je suis très compétent sur ce sujet), l’intérêt de – 2 à 2.
Les objectifs ? Identifier les compétences de chacun, faire en sorte que chacun soit assigné aux bonnes missions en fonction de ses compétences et envies, et faire perdurer les actes solidaires dans le temps.
Pour les collectivités étendues, pour lesquelles la population est répartie sur de nombreux lieux de vie (ex. bourgs et hameaux éloignés les uns des autres), des élus peuvent être affectés à un secteur.
A noter : la start-up CoFluens a accompagné les collectivités dans le déploiement de cette méthode et a mis en ligne une cartographie type qui peut être diffusée. Privilégiez une matrice par enjeu !
Accompagner les associations et les valoriser
- Création d’un fonds financier territorial, complémentaire au fonds de solidarité de l’Etat, pour soutenir la trésorerie des petites entreprises et associations – notamment culturelles et sportives (sous forme d’avances de trésorerie remboursables ou de subventions). Ce fonds peut être financé par la région, le département, l’EPCI, la commune et d’autres acteurs (ex. Banque des Territoires).
- Réduction du loyer en fonction du chiffre d’affaires et de la fréquentation,
- Versement anticipé des subventions et prorogation des conventions,
- Au-delà de l’aspect financier, la collectivité peut accompagner les actions des associations par différents leviers : ingénierie, ressources, mise à disposition de locaux, mise à disposition de véhicules, réseau… Il conviendra alors de recenser les besoins des différentes fédérations et associations. Pour cela, des réunions régulières (bimensuelles) peuvent par exemple être organisées avec les associations en fonction des enjeux que rencontre le territoire. Ces réunions permettront de créer du lien entre elles, de partager les bonnes pratiques et de recenser leurs besoins.
Ils l’ont fait !
> Le département d’Ille-et-Villaine a mis en place un fonds d’appui pour les associations (FAPA35) dont les activités sont dans le champ de compétences du conseil départemental (culture, sport, éducation, environnement, tourisme…)
> La région Grand Est a déployé le fonds « Résistance », doté de 44 millions d’euros en partenariat avec la Banque des territoires, les Départements et de nombreux EPCI. Ce fonds est au bénéfice des associations employant jusqu’à 20 salariés et est mobilisable sous la forme d’avances remboursables. Avec un financement socle de 22 millions d’euros, ce fonds est abondé de 2 euros par habitant pour chaque collectivité participante.
> La commune d’Halluin (Nord) a mis en place un conseil bi-mensuel afin de coordonner les actions caricatives et créer du lien entre les associations du territoire. Pour en savoir plus, découvrez l’article dédié ici !
S’appuyer sur les acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS)
Préparer l’avenir : créer un cadre favorable pour le développement d’initiatives solidaires pour faire perdurer l’engagement solidaire dans le temps
- Ouvrir des lieux dédiés à la citoyenneté pour encourager les initiatives citoyennes et solidaires (ex. la Maison des Initiatives Citoyennes à Nanterre ou les Halles Civiques à Paris)
- Dédier une partie du budget de la collectivité au service de projets gérés par les citoyens (budget participatif)
- Valoriser l’engagement associatif par la création d’un Passeport Bénévole afin de reconnaître les compétences mobilisées et/ou acquises lors d’expériences bénévoles.
Les plateformes utiles
Quelques exemples de plateformes d’entraide vers lesquelles les collectivités peuvent renvoyer les administrés :
- Une plateforme nationale de réserve civique a été mise en place par gouvernement : Covid19.reserve-civique.gouv.fr qui permet aussi bien aux citoyens de proposer leur aide qu’aux collectivités d’en demander.
- Des plateformes privées ou citoyennes qui existaient et qui se sont adaptées à la crise : Nextdoor, AlloVoisins. L’association Voisins Solidaires a par exemple réalisé un kit pour organiser l’entraide au sein d’un immeuble. Ce guide est disponible ici.
- Des plateformes citoyennes ou militantes ont vu également le jour : certaines permettent ainsi de trouver une mission près de chez soi (enpremiereligne.fr) ou de lancer sa propre initiative citoyenne (en-marche.fr).
Les contacts et ressources utiles pour les associations
- Le document de synthèse sur les mesures économiques accessibles aux associations
- Le vademecum des mesures de soutien à l’ESS
- Le guide : L’Economie Sociale et Solidaire dans ma ville, de la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire Ile-de-France
- Le portail gouvernemental : http://www.associations.gouv.fr
- L’ensemble des contacts utiles pour les associations – par région
- Les conseillers France Active
- Le numéro d’appel unique pour renseigner et orienter les associations locales vers les aides d’urgences mises en place : 0806 000 245