La crise sanitaire que nous traversons frappe de plein fouet notre pays. L’inquiétude grandit chez les commerçants durement touchés, en particulier ceux des centres-bourgs, déjà confrontés depuis plusieurs années à des problématiques de perte de croissance. Entre fermeture pour certains et maintien de l’activité pour d’autres, ils sont aussi en première ligne. Alors que le Gouvernement propose des mesures indispensables à l’échelle nationale pour soutenir les entreprises, il revient aux exécutifs locaux de décliner localement ces mesures afin d’apporter des solutions aux acteurs de proximité.
Cyrille Cointre, manager de centre-ville et formateur pour Tous Politiques ! nous apporte son éclairage sur le sujet.
Estelle (Tous Politiques !) : Merci Cyrille de nous accorder un moment. Entrons directement dans le vif du sujet : la crise que nous traversons a un impact important sur nos modes de vie, sur nos façons de circuler, d’interagir, de nous nourrir et de faire les courses. Peux-tu faire le point avec nous sur les conséquences de ce moment inédit sur les commerces de proximité en particulier ?
Nos commerces de proximité vont être durablement touchés par cette épidémie de COVID-19, c’est certain. Pour la majorité d’entre eux qui n’ont pas d’activités dites « vitales » pour le pays, ils ont dû fermer rapidement pour se conformer aux consignes du Gouvernement. Ces dirigeants et entrepreneurs vont devoir gérer une période de chômage technique indépendante de leur volonté tout en continuant à faire face à leurs responsabilités de Chef d’entreprise. On parle beaucoup des commerces alimentaires mais il ne faut pas oublier les autres : les librairies, les salons de coiffure, les cafés bien sûr, les quincailleries, les buralistes etc. Les tribunaux de commerce ont reçu pour consigne du ministère de la Justice de ne pas ouvrir de nouvelles procédures. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est une marque de soutien ! L’exécutif appelle ainsi à faire la distinction entre deux cas : les contentieux généraux, indépendants de la crise actuelle, et dont seuls les cas les plus urgents doivent être traités, et les contentieux des entreprises en difficulté face à la crise, pour lesquels le Ministère appelle à un renvoi vers les mesures mises en place par le Gouvernement pour soutenir l’activité. Tout cela est encore très incertain à ce stade, il faudra dresser un bilan dans un an par exemple.
Estelle (TP!) : Merci Cyrille. Et si l’on parle plus particulièrement du rôle des élus. Que peuvent-ils faire pour soutenir les commerces dans leurs collectivités ?
Les équipes municipales doivent être à l’initiative bien sûr et montrer d’une certaine façon l’exemple ! Établir des procédures de continuité commerciale de sorte à pouvoir continuer de fournir des produits ou services pendant le confinement tout en limitant les déplacements de la population. Livrer les courses alimentaires aux personnes âgées, ceux à la santé plus fragile et aux personnes ne disposant pas de moyens de déplacement. On doit d’ailleurs remercier toutes ces entreprises et leurs salariés qui vont maintenir le peu d’activité économique restant en France tout en respectant les précautions sanitaires dans le cadre des livraisons de colis, de réapprovisionnement… Créer une équipe de résilience. La taille de la ville détermine le nombre de personne devant constituer l’équipe. Concernant les petites villes le Maire ou son Adjoint au commerce peut suffire. Dans les villes de plus grande envergure, le manager de centre-ville doit être identifié. Grâce à cela, ils pourront mettre en place quelques mesures exemples : appeler les commerçants et rassurer les plus inquiets, tenir à jour la liste des commerces restés ouverts et la diffuser sur le site de la commune, de l’EPCI et sur les réseaux sociaux, créer une plateforme d’échanges et d’entraides sur laquelle les professionnels puissent trouver les numéros et liens utiles, actualiser les informations etc.
Estelle (TP!) : Nous pouvons imaginer que les mesures nécessaires de confinement seront sans doute prolongées pour tenter de ralentir la progression de Covid-19. On entend chaque jour la grande inquiétude des élus locaux quant à la santé financière de leurs commerces de proximité. Ont-ils des mesures à prendre d’urgence localement ?
Acteurs essentiels de l’attractivité du centre-ville, beaucoup de magasins pourraient ne pas ré-ouvrir à cause de leur santé économique. Et au moment de la reprise, les choses pourraient reprendre lentement. Très rapidement, les collectivités peuvent affecter une personne au redressement du commerce de centre-ville. Il pourrait ainsi identifier les commerces les plus fragiles, cibler les aides vers les commerces qui auront le plus souffert, réduire le loyer en rapport avec le chiffre d’affaire et la fréquentation, ce qui veut dire aider aussi les propriétaires immobiliers de ces locaux commerciaux, dispenser la taxe foncière, la taxe sur les enseignes TLPE, la taxe sur les ordures ménagères, retarder le paiement des droits de terrasse, le paiement des taxes de séjours etc.
Estelle (TP!) : Pour terminer, la sortie du confinement sera certainement progressive et la reprise d’activité probablement lente. Que pouvons-nous d’ores et déjà faire pour préparer cette sortie et tenter de sauver les commerces de proximité ?
Premier créateur d’emploi dans notre pays, le commerce est au cœur de l’activité économique de nos centres-villes et centres-bourgs. Les réanimer sera la principale mission territoriale pour les municipalités qui devront soutenir l’activité sauvegardée (réaliser un diagnostic du centre-ville avec un cabinet d’étude, recenser les besoins des commerces en partenariat avec les CCI et les CMA), encourager les vocations à s’installer avec un plan d’accompagnement des mairies (pépinière commerciale qui prend à charge les loyers, aide à l’installation en ciblant les subventions sur le digital, l’aménagement et l’économie d’énergie ), définir la destination des rues, rassembler la population pour soutenir sa commune et adapter les projets inscrits dans la politique de la ville.
Nous avons tous individuellement la responsabilité de contribuer au maintien de ces commerces sur nos territoires, de participer à leur survie ! Privilégier les producteurs locaux, les fermes et les circuits courts ; favoriser les épiceries locales et multi-services, et soutenir les initiatives solidaires tel que le site « sauvons nos commerces » dont le principe est simple : achetez maintenant ce que vous consommerez demain pour leur assurer un revenu [aux commerces] durant cette crise https://sauvonsnoscommerces.org/ ou encore « Bouge ton Coq, c’est ma tournée » https://www.bougetoncoq.fr/c-est-ma-tournee/.
Estelle (TP!) : Merci beaucoup Cyrille pour tes conseils et précisions. Je rappelle que tu accompagnes bénévolement des élus locaux en responsabilité face à la crise qui souhaiteraient échanger autour de cette problématique, lors de séances de coaching individualisés gratuits que nous avons mis en place jusque fin avril. Pour réserver un créneau « soutenir les commerces en difficultés, rendez-vous sur cette page. N’hésitez pas à vous inscrire !
Cyrille Cointre
Aujourd’hui Manager de centre-ville, Cyrille a également été commerçant et Président d’une association de commerçants à St-Gaudens (31). Sa parfaite connaissance du secteur du commerce et de ses codes lui ont permis de créer une agence de management de centre-ville à Autun en Bourgogne. Profondément pragmatique et attaché aux valeurs d’humanisme et de progrès, Cyrille a rejoint l’équipe des formateurs de <em>Tous Politiques ! </em>dès la création de l’institut en 2018. Sa devise ? « La rue est le cordon ombilical qui relie l’individu à la société. » <em>Victor Hugo</em>